Dominique a maintenant 20 ans, il ne part pas faire son service militaire, exempté par le décès de son frère Jean “le deuxième“ à l'armée. Que devient-il entre ses 20 et 30 ans, où habite-t-il, que fait-il ? Je n'ai pas la réponse aucun acte ne le signalant.
Comme toujours, la vie est rythmée par les mariages, les naissances et les décès. Il assistera à deux mariages celui de son frère Jean numéro 3 avec Anne Pécastaing en 1834 alors qu'il a 22 ans, puis à celui de sa soeur Cécile avec Pierre Placet en 1837. Cette même année 1837, Dominique a alors 28 ans, et c'est son père Pierre Fortabat qui décède. Quatre ans plus tard ce sera au tour de sa soeur Catherine de décéder.
Ces dix années là, on peut facilement imaginer qu'il les a passé à continuer à apprendre son métier de laboureur, que ce soit en aidant son père et ses frères, ou en étant placé comme domestique dans une autre ferme, ce qui était courant à l'époque..
Arrivé à 32 ans il va avoir la chance de faire un “bon“ mariage. Attention, ceci est très relatif, il n'épouse pas la chatelaine du coin tout de même, mais dans ce monde de petits paysans, Marie Darrigues, qui est issue d'une famille de propriétaires, et plutôt un bon parti. Ses grands parents paternels, Charles Darrigues et Françoise Novion, et certains de leurs onze enfants, sont souvent retrouvés dans des actes pour des achats ou ventes de terres. Son père Gilles est malheureusement le septième de la fratrie et donc en moins bonne position pour l'héritage des terres que ses ainés.
Dominique et Marie se connaissent sûrement depuis l'enfance, et il se sont cotoyés chez leurs cousins germains respectifs issus du mariage de Jean Darrigues, l'oncle paternel de Marie, et de Marie Duplaceau la tante maternelle de Dominique. Est ce que ce mariage est leur choix, ou est ce que des marieuses s'en sont mélées, nul ne le sait.
Le dimanche 21 novembre 1841, le jeune couple se marie à Saint-Martin-de-Seignanx, les deux sont majeurs âgés de 32 et 26 ans, en présence de la mère de Dominique et des parents de Marie. Que ce soit les époux ou leurs parents aucun ne va signer, les quatre témoins vont le faire dont Gilles Darrigues le cousin germain de Marie.
Dominique va définitivement quitter Saint-André-de-Seignanx pour Saint-Martin-de-Seignanx. Il s'installe tout d'abord chez ses beaux-parents dans la maison Peyré, maison qui existe encore. Le couple va y vivre pendant 10 ans, y restant après le décès du beau-père de Dominique, Gilles Darrigues.
Parlons un peu de Marie. Elle est la dernière des cinq enfants de Gilles Darrigues et Jeanne “Suzanne“ Laffite. Deux frères n'ont pas vécu, mais parviendront à l'age adulte Jean et Marie Jeanne. Le frère ainé, Jean qui aurait du être l'héritier principal, vit aussi au Peyré jusqu'en 1841 et y décède à 31 ans, huit mois avant le mariage de Dominique et Marie, marié mais sans descendance. Quant à Marie Jeanne plus agée de deux ans que Marie, elle est déjà mariée depuis cinq ans avec un certain Pierre Sarraute et a quitté la maison familiale. Pour aider Gilles Darrigues à la ferme tout naturellement c'est le jeune couple Dominique Fortabat-Marie Darrigues qui va le faire.
Est-ce que la maison du Peyré est la propriété de Gilles Darrigues ou Jeanne Laffitte les beaux-parents de Dominique, je ne le sais pas encore. Mais au décès de Gilles Darrigues chacune des deux filles va hériter de terre. Marie et Dominique vont pouvoir exploiter pour eux même 46 ares de terre barthe.
C'est au Peyré que naitront leurs quatre premiers enfants . Tout d'abord Jeanne en décembre 1842, à peine après un an de mariage, qui se mariera plus tard avec Jean Latour. En 1845, Jean François mon arrière grand-père, puis Pierre en 1848 qui ne vivra que 8 jours et Marie en 1850 qui partira à 9 mois. Puis la famille va déménager entre 1850 et 1851 à Petite Alouette.
C'est à Petite Alouette que naitront deux autres filles, Jeanne en 1854, future épouse de Jean Casteig et Anne en 1857, décédée à 2 ans.
C'est aussi à Petite Alouette que s'éteindra la belle-mère de Dominique, Jeanne Laffitte, également en 1857.
A partir de 1847 beaucoup de chose vont changer dans le pays ayant ou non un impact sur la famille. En 1847, partout en France les récoltes sont mauvaises, assorties d'une crise économique. Puis ce sera en 1848 la chute de Louis-Philippe le dernier roi français. La 2eme république est proclamée. Avec elle des choses surprenantes vont être instaurées: le suffrage universel et la journée de travail de 10 heures. Pour nous le suffrage universel semble une évidence, mais imaginez les dicussions autour du feu le soir, cette possibilité nouvelle de donner son avis. Enfin, pour les hommes. Je vous rappelle que pour les femmes il faudra attendre 100 ans de plus ! Mais comment voter quand on ne sait pas lire ? Avec le visage de la personne à élire sur le bulletin de vote. Alors quand Louis Napoléon Bonaparte est élu en 1848, Dominique a seulement 39 ans, l'étude des listes électorales nous dira peut-être s'il a voté.
Quant à la journée de 10 heures pour les paysans, rien n'est moins sûr que son application.
D'autres évènements plus proches de Saint-Martin-de-Seignanx seront beaucoup plus discutés à l'auberge et à la sortie de la messe. En effet en 1857 Le Boucau qui était un quartier de Tarnos devient une commune indépendante et Saint-Esprit devient un quartier à Bayonne . Les deux changent de département, et surtout Saint-Martin-de Seignanx devient le chef lieu de canton. A noter que Tarnos avait failli subir le même sort que le Boucau et Saint-Esprit et changer de département.
L'avénement de Napoléon III allait amener d'autres changements dans la région. La ligne de chemin de fer Bordeaux-Dax inaugurée en 1854 par l'Impératrice Eugénie, et surtout à partir de 1858 l'asséchement du marais d'Orx : 2400 hectares devinrent cultivables et 23 fermes furent construites. Napoléon III aimait beaucoup les Landes et les landais en étaient charmés. De Biarritz il allait souvent à Capbreton et c'est lui qui ordonna la construction de l'Estacade.
En 1864, Dominique a 55 ans et une curiosité va être mise en place : le droit de grêve ! Encore une chose qui nous parait naturelle, mais à 55 ans, quand on est paysan au XIX°, cela a dû sembler irréel même si la période a été emaillée dans les Landes de révoltes des métayers en raison des baux jugés excessifs. La révolte était plus envigeasable alors que le droit de grêve ...
En février 1870 sa fille Jeanne va épouser Jean Latour, elle sera la grand mère de André Latour.
En 1870 son fils Jean François est déjà parti faire son service militaire depuis 5 ans quand éclate la guerre franco-prussienne le 15 juillet 1870, guerre à laquelle il a certainement participé. La défaite est rapide, Sedan capitule le 4 septembre marquant la fin de l'Empire. Paris assiégé, affamé finira aussi par capituler.
En 1875 Jean-François qui est revenu, épouse Catherine Pesqué. C'est à Moussehons que naitront les trois petits-enfants de Dominique issus du couple Jean-François Fortabat / Catherine Pesqué : Marie en 1876, Jean Baptiste en 1878 et enfin Jean-Henri en 1880. C'est aussi à Moussehons que s'éteindra Dominique Fortabat le 12 mai 1880.
Ainsi s'achève la vie de Dominique fils de métayer, sûrement propriétaire de Moussehons à la fin de sa vie ( recherches à venir). Il aura traversé ce siècle entre deux guerres, mais aussi dans une grande période de prospérité, avec l'avancée des droits civiques. Il aura connu deux empereurs, trois rois et deux fois la République.